Repères La limite de tolérance L'année des convulsions Paris, enfin, les a vus La chute

Paris, enfin, les a vus

Murmures et chuchotements hors la ville : la manifestation est préparée en secret. Adoptée le 10 octobre en Allemagne, où les dirigeants de la fédération sont repliés pour raisons de sécurité, la consigne parvient le 16 aux chefs de cellule du FLN, qui battent alors le rappel dans les garnis et les taudis. Aucun Parisien, sauf les membres des réseaux de soutien, ne peut se douter de ce qui va se passer. La police elle-même ne le découvre que le 17 à midi, en interpellant des manifestants qui se sont trompés d'heure. Trop tard. Le soir, elle réprimera les trente mille Algériens qui vont converger vers Paris. Elle ne les empêchera pas d'exister.

Les Algériens ont voulu exister là, sur les Grands Boulevards. Ils ont convergé des stations de métro et des trois gares toute proches, Saint-Lazare, Gare du Nord, Gare de l'Est. Ils sont arrivés nombreux, trop nombreux pour la police qui, pourtant, les attendait. Ils ont été raflés, frappés, mais d'autres les ont remplacés et près d'une heure durant ils ont manifesté. Tantôt ils frappaient dans les mains, tantôt ils criaient « Algérie algérienne ».
Le Parisien libéré, qui n'est alors guère suspect de sympathie pour les Algériens, s'étonnera du caractère pacifique de la manifestation : « À l'Opéra, note-t-il le lendemain, deux mille Nord-Africains, la plupart correctement vêtus, se sont rassemblés. Rapidement interceptés par les forces de l'ordre, cinq cents d'entre eux ont été conduits dans la cour de l'Opéra, mains en l'air, tandis que les cars de police les emmenaient par petits groupes vers Vincennes, pour contrôle d'identité (...) ». Des renforts policiers ont fini par arriver, nombreux, trop nombreux. À l'heure où tombaient les rideaux de scène, les morts étaient dans la rue.

 

En 1956, l'îlot Saint-Séverin avait déjà subi une grande rafle, mais en 1961 il restait des Algériens
au Quartier Latin. Le 17, ils forment un premier cortège qui se dirige vers le Palais de Justice et la préfecture de police. Des enfants marchent au milieu. La charge policière les pousse contre les vitres d'un bar. Ils tombent au milieu des débris. Plus tard,
à Maubert, à Odéon, Saint-Germain, Saint-Michel, d'autres, ou peut-être les mêmes, tentent de recommencer. Mais toutes les rues sont quadrillées. Sur cette rive aussi, la police tire. Dans la nuit, des blessés par balles tombent devant le Sénat et rue Gay-Lussac.

Haut de page

Repères La limite de tolérance L'année des convulsions Paris, enfin, les a vus La chute